L’art d’Ingmar Bergman consiste à mettre en scène relativement
peu de personnages quasiment en huis clos (une île dans Persona,
Une passion, A travers le miroir, un appartement dans Scènes de la vie conjugale, une chambre d’hôpital dans Au seuil de la vie…) afin d’observer et
d’analyser les doutes, les désarrois, les anxiétés et les pathologies qui
habitent leurs protagonistes.
A travers le miroir (1961)
Réunissant presque toujours la même troupe d’acteurs (Harriett
Andersson, Max Von Sydow, Ingrid Thulin,
Bibi Andersson, Liv Ullmann, Erland
Josephson, Lena Olin…), le cinéaste réussit à engendrer une œuvre d’une
surprenante cohérence et qui, dès ses débuts en 1946, n’a cessé de rendre
compte du genre humain et de ses contradictions dans des styles aussi
différents que le drame, la comédie ou le film historique.
Son génie provient de cette aptitude à être parvenu à
l’universalité – ce fut l’un des plus grands cinéastes du monde - avec pour
méthode une étonnante économie de moyens, privilégiant ainsi l’écriture, le jeu
des acteurs, la photographie, les cadrages. Digne héritier du cinéma muet et
aussi célèbre que John Ford et Alfred Hitchcock, Bergman nous trouble de par
son art à appréhender la psychologie humaine. Fin observateur de notre époque à
travers son domaine de prédilection, la relation hommes-femmes, on pourrait
presque résumer son œuvre à cette question prononcée par le personnage de Liv
Ullmann s’écroulant aux pieds de Max Von
Sydow dans La honte :
« Pourquoi donc ne pouvons-nous être amis ? » Le réalisateur suédois rejoint les plus
grands dramaturges de l’Histoire, de Shakespeare à Molière en passant par Woody
Allen dont on comprend aisément l’admiration que ce dernier lui porta.
La honte (1968)
Si Bergman m’a personnellement beaucoup apporté sur l’humain
et sa complexité, il inspira quantité de cinéastes par ses recherches (Truffaut
le cita souvent en exemple), le réalisateur du Septième sceau n’ayant cessé d’expérimenter, de renouveler l’art
cinématographique. Il suffit de revoir ce chef d’œuvre que fut Persona, film-phare des années 60 jamais
égalé, pour en avoir la certitude. Tout Bergman est à voir ou à revoir, ne
serait-ce que pour en apprécier l’intelligence du discours, la performance des
interprètes (Liv Ullmann atteint des sommets dans Face to face), la mise en cadre et en lumière des processus
émotionnels. Plus qu’un maître, il parvient parfois en un seul gros plan à en
dire plus long qu’en un film tout entier doté de moyens faramineux. Tout élève
dans une école de cinéma devrait d’abord étudier un film de Bergman, de Chaplin
ou d’Hitchcock avant de partir sur les traces de Christopher Nolan.
Face à face (1976)
Les
indispensables de Ingmar Bergman : Jeux
d’été (1951), L’attente des femmes (1952),
Monika (1953), Rêves de femmes (1955), Le 7ème
sceau (1957), Les fraises sauvages (1958),
La source (1960), A travers le miroir (1961), Le silence (1963), Persona (1966), Le lien (1971),
Scènes de la vie conjugale (1973), Face à Face (1976), Fanny et Alexandre (1982).