lundi 18 mars 2024

Histoires de cinéma

Dans ce recueil de nouvelles j’ai réuni 5 histoires sorties de mon imaginaire cinématographique : Comment par le plus grand des hasards j’ai rencontré Tom Cruise un soir au bar de l’hôtel Crillon pour un échange pour le moins pittoresque… Par quelle manifestation irrationnelle Alfred Hitchcock est apparu sous mes yeux dans un train pour me donner son avis sur le cinéma d’aujourd’hui… Pourquoi cette étrange rencontre avec un technicien du cinéma en Angleterre qui prétend avoir travaillé avec Stanley Kubrick sur le tournage du faux alunissage d’Apollo 11 en 1969… De ces évènements j’ai laissé libre cours à mon imagination, me mettant à la place de mes interlocuteurs comme si j’entendais véritablement leurs voix dans mon oreille. Une manière de rendre hommage à des grands du septième art dont j’ai souvent étudié la vie et les films. 

 

Pour lecteurs cinéphiles et non cinéphiles, pour le plaisir de raconter de courtes histoires qui sont comme des films.


 


HISTOIRES DE CINÉMA

Auteur : Bruno François-Boucher

Date de parution : Mars 2024

Editions Le bord du Lot

Grand Format

Broché

68 pages


Histoires de cinéma - Nouvelles - Editions Le bord du Lot



samedi 25 février 2023

The Fabelmans (2022) le 36ème Spielberg

Non seulement Steven Spielberg a traversé les vies d'un nombre incalculable de gens depuis plus de cinq décennies, mais il a été pour beaucoup de cinéastes de ma génération un moteur d'encouragement à faire des films. L'enfant qui tournait des films en 8mm à la maison a montré que tout était possible. 

Spielberg était alors inconnu lorsque je vis Duel au cinéma dans le cadre de ce qu'on appelait à l'époque les « matinées scolaires » . Un mercredi par mois on nous emmenait au cinéma. Nous étions en 1973 et je découvrais les débuts virtuoses d'un cinéaste de 23 ans. J'appris par la suite qu'il avait déjà tissé une impressionnante filmographie : une dizaine de téléfilms, autant de courts-métrages et même un long-métrage en Super 8, Firelight, tourné pour 500 dollars à l'âge de 16 ans. 

    Duel fut une révélation. Sur les traces d'Hitchcock, le film était un challenge absolu avec une histoire tenant sur deux pages tournée en 17 jours. Depuis ce jour je n'ai jamais manqué l'un de ses rendez-vous au cinéma. Du meilleur au moins bon, son œuvre a jalonné les différentes étapes de mon existence et je me souviens précisément où et dans quelles circonstances avoir vu chacun de ses films. 

Quand les films d'un cinéaste accompagnent régulièrement votre vie depuis le départ, ils finissent par compter autant que votre propre famille. Et puis le passage du temps laisse apparaître des cheveux gris sur le réalisateur pour lui donner l'allure de ceux de la génération précédente qu'on a vu vieillissant durant l'enfance : John Ford, Raoul Walsh, Howard Hawks...

 

Ce matin je me suis levé de bonne heure pour aller voir The Fabelmans. En prenant mon café, j'ai dit à voix basse : « Je me lève pour toi, Steven ! » Deux heures plus tard j'étais à la séance de neuf heures au cinéma UGC Ciné Cité Les Halles. 

 

Lorsque la lumière s'est éteinte, je me suis mis à frémir à l'apparition du mythique logo Universal orchestré par Jerry Goldsmith et sur lequel vint s'insérer le logo Amblin. C'était déjà tout un pan de l'Histoire du cinéma qui défilait sous mes yeux. Puis le film commença et ce fut un silence religieux dans la salle durant 2h20, parfois ponctué d'éclats de rires, car si le film est riche en émotions de toutes sortes, l'ami Steven ne manque pas d'humour.

Je pressentais que le film serait bien, mais je n'imaginais pas qu'il soit aussi beau. En transposant une partie de son autobiographie, Spielberg met pour la première fois à nu les tourments qui hantèrent son enfance et son adolescence, dûs notamment aux distensions entre ses parents qui finirent comme on sait par un divorce. Il est fascinant de constater comment le cinéma fut à la fois un refuge durant ses jeunes années et le seul moyen d'expression qu'il trouva pour exprimer les non-dits. Le cinéma comme catharsis auquel il faillit renoncer durant un temps, si les images animées et le doux ronronnement d'une caméra et d'un projecteur n'avaient fini par l'apaiser. 


Le film est truffé de magnifiques séquences, toutes aussi belles les unes que les autres, centrées sur sa famille, ses parents, ses sœurs, son oncle. Que serait le cinéma sans la vie d'abord et avant tout, cette vie qui bat tout au long du film et qu'il filme durant ses premières années ? C'est comme un film continu qui débute pour lui après avoir découvert avec ses parents Sous le plus grand chapiteau du monde de Cecil B De Mille un soir de 1952. Reproduisant par la suite la séquence de déraillement du train avec des jouets, le goût du jeune cinéaste pour les maquettes et pour le grand spectacle, renforcé par son inventivité sont déjà là. Viendra progressivement s'ajouter la sensibilité d'un jeune homme introverti, peu doué pour le sport, moqué parce que juif, malmené de toutes parts, déchiré par un chaotique contexte familial, ce qui donnera souvent lieu à une reproduction de ces conflits dans beaucoup de ses films, à commencer par E. T.

Dans une extraordinaire séquence de The Fabelmans, son oncle le prévient : « En choisissant l'art plutôt que le bonheur tu seras toujours déchiré en deux ».

Même si Spielberg, auteur du scénario avec Tony Kushner, a transformé sa propre vie en fiction, elle n'en ressemble pas moins à un film hollywoodien peuplé d'autant de drames que de moments magiques. Les films sont comme des rêves, nous dit The Fabelmans, et la force de celui-ci est justement de faire se rejoindre la réalité et le rêve.

Transi, bouleversé après 2h20 de rires et de larmes, je crois ne pas me tromper en disant que Spielberg a fait en quelque sorte son Fanny et Alexandre, son Radio days (qui évoquaient respectivement l'enfance d'Ingmar Bergman et de Woody Allen), ce nouveau long-métrage figurant parmi ses meilleurs, la maturité le révélant plus que jamais comme un expert en matière de direction d'acteurs qui sont tous formidables : Michelle Williams, Gabriel LaBelle, Julia Butters, Seth Rogen, Judd Hirsch, David Lynch en truculent John Ford (la séquence vaut à elle seule le déplacement), sans oublier l'arrivée d'un nouveau venu, l'excellent Sam Rechner dans le rôle de Logan. N'en doutons pas, il sera l'une des grandes stars de demain.


        François Truffaut, après avoir vu Frenzy tourné par un homme de 72 ans, s'était écrié : « Vivement le 53ème Hitchcock ! » Je lui emprunte la formule, m'exclamant à mon tour : « Vivement le 37ème Spielberg ! » 

 

samedi 13 novembre 2021

Derrière la porte

Derrière la porte est un court-métrage de 10 minutes que je viens de tourner, écrit par la romancière Marie-Christine Point. Il y est question de quête d'identité quand on a été une enfant abandonnée et que vient le moment de rencontrer sa génitrice. Le film se concentre sur cet instant fragile et terrifiant où l'on se décide enfin d'aller sonner à la porte. 

 

L’actrice Ségolène Point est venue me voir un jour avec l’idée d’un court-métrage qui se passerait entièrement devant une porte. Mais elle ignorait la raison de cette situation. Après en avoir parlé à sa mère, la romancière Marie-Christine Point, celle-ci est revenue deux jours plus tard avec un texte qui exposait les raisons pour lesquelles le personnage pouvait se retrouver dans cette situation d’attente. Le texte était bouleversant. Très curieusement il évoquait, sans que je ne sache rien par avance, une situation que j’avais personnellement vécue. J’ai tout de suite dit : « On fait le film ».

 

Après avoir peaufiné le scénario en utilisant le texte en voix off, Derrière la porte s’est tourné en quelques heures à Damgan dans le Morbihan le mardi 28 septembre 2021. Le montage s’est enchaîné rapidement et je peux dire aujourd’hui que c’est l’un des meilleurs courts-métrages que j’ai réalisé. Ce film qui est un peu comme une nouvelle sera projeté dans les salles comme antan en première partie du long-métrage De l'autre côté du mur de Tiburce.



DERRIÈRE LA PORTE

Avec : Ségolène Point

Texte : Madeleine Point

Scénario et réalisation : Bruno François-Boucher

Images et montage : Christian Baudu

Musique : Peder B. Helland « Frozen in time »

Enregistrement voix : François Le Roux

Durée : 11 minutes

Production : Bon Voyage Films PR

© 2021


Avant-Première le jeudi 25 novembre 2021 à 19h30 à La Péniche Cinéma- 75019 Paris





vendredi 12 novembre 2021

Cry Macho (2021) de et avec Clint Eastwood

Un film simple et beau. Tout commence par de superbes plans en cinémascope sur des paysages et des chevaux. Puis la silhouette d'un homme au volant d'une voiture. D'abord la main qui passe une vitesse puis les yeux dans le rétroviseur. La voiture s'arrête, un pied descend et la silhouette de l'homme apparaît, coiffé d'un Stetson. C'est le patron. Clint imprime sa légende au delà du temps. Je n'en dirai pas davantage, il faut voir le film. C'est plus d'une fois bouleversant, comme un poème sur la vie et la vieillesse, un hommage à mère nature, aux animaux et à tant de choses qui traversent les existences, destins brisés ou en devenir. Western nostalgique qui ne dit pas son nom, le film est comme un vieux juke-box égrenant une chanson de Johnny Cash, un drive-in abandonné au milieu de nulle part dont les lumières parviennent encore jusqu'à nous. Un film qui parle d'amour, fait du bien, et qui exprime tout un pan de la sensibilité de l'un des derniers géants. Une œuvre testamentaire qui touche de par son ton de balade automnale, un film de coeur, sans cynisme, ou un coq occupe pour la première fois dans un film une place de choix.


© 2021 Warner Bros

samedi 17 juillet 2021

Éloge du Cinéma

Plus que jamais aujourd'hui, le cinéma se doit d'être unique. Lorsque vous entrez dans une salle de 500 places, que vous pénétrez dans la semi obscurité pour vous assoir face à un écran de 18 mètres, nul autre endroit ne permet de recevoir ainsi le spectacle d'un film. Et puis la lumière s'estompe et vous allez être plongés dans quelque chose qui s'apparente à de la magie : un jeu d'ombres et de lumière où l'espace vous recouvre sans que vous soyez dérangés par votre téléphone, la venue d'un voisin, ou l'envie de mettre sur pause pour aller se servir dans le frigo. Votre mission, si vous l'acceptez, consistera à regarder le film en mettant de côté tout préjugé. Si vous ou l'un de vos compagnons étaient déçus, que votre voisin grignote son pop corn, qu'un autre se met à parler fort ou que la lumière d'un smartphone apparaît dans la salle, le 7ème art niera en être responsable. Le cinéma n'est pas un divertissement comme les autres. Le cinéma est un espace de pause dans une vie qui, s'il est bien fait, vous emmènera au-delà des frontières du quotidien, au cœur de zones non visibles, dans les contrées les plus reculés. Le cinéma est un art. Le 7ème art, - comme on dit la 4ème dimension, le 6ème sens ou le 36ème dessous. Le cinéma est un bien nécessaire pour la collectivité. Il est celui qui permet de franchir ces zones de la perception ordinaire, comme lorsqu'on se plonge dans la lecture d'un livre, l'écoute d'une oeuvre musicale ou qu'on assiste à un spectacle. Le cinéma est le roi de l'ombre et de la lumière, autant que celui du mouvement, des formes, de l'espace et du temps. Le cinéma n'en est encore qu'à son avènement. Il survivra aux modes et au temps, sans cesse sorti de l'inconscient de ses créateurs. Les films de cinéma sont comme des oiseaux qui s'envolent, échappant aux cages, demeurant à chaque nouvelle ère une fois encore insaisissables.

Nomadland (2020) de Chloé Zhao


jeudi 15 juillet 2021

"Titane" (2021) de Julia Ducournau

Le moins qu'on puisse dire est que le nouveau film de la réalisatrice de Grave dégage... Il est certain que le choc provoqué par le film restera dans les mémoires. Et quand les Français décident d'aller jusqu'au bout, ils n'ont rien à envier à David Lynch ou à David Cronenberg. C'est tout simplement étonnant, puissant et remarquablement mené. Bravo à Julia Ducournau d'avoir su procurer au spectateur une telle dose d'émotions et de remises en questions. C'est parfois trash, rock n'roll, violent et insoutenable, mais au moins rien n'est jamais gratuit car dès la première scène, tout ce qui va suivre sert le sujet. Roman noir à la limite du fantastique, le film contourne tous les pièges et l'on sort plus que bouleversé d'un tel brasier. Le feu traverse l'écran, les acteurs et la musique de Jim Williams prennent aux tripes et l'on demeure sonné jusqu'à ce que le générique de fin s'arrête. L'histoire est irracontable, il faut voir le film, et Agathe Rousselle et Vincent Lindon sont exceptionnels. Un grand film dérangeant et un énorme pavé dans la mare du cinéma français.



mardi 8 juin 2021

Imitation of life/Images de la vie (1934) de John M. Stahl

Je n’avais jamais vu la première version de Imitation of life/Images de la vie (1934) de John M. Stahl, reprise en 1959 par Douglas Sirk sous le titre français Mirage de la vie. C’est en tous points un remarquable film, d’une sobriété et d’une humilité exemplaires, assurément l’un des plus beaux mélodrames de toute l’histoire du cinéma. Comment ne pas être touché par autant de compassion sincère, d’humanité exempte de tout cynisme, à l’opposé de ce que produit la plupart du temps l’industrie du cinéma. Issu de la période de la Dépression, le film de Stahl traite plus que tout autre de la fragilité des existences, abordant les thèmes du racisme et des différences sociales au travers de personnages à la fois démunis et capables d’empathie, en deçà de toute haine et de toute rancœur. 

 

L’amitié entre Béa et Delilah (merveilleusement interprétées par Claudette Colbert et Louise Beavers, sans doute l’une des plus grandes actrices noires du cinéma américain) dépasse la représentation hollywoodienne de cette époque, celle de l’Afro-Américain soumis au diktat blanc. Si Delilah est présentée comme une domestique ne songeant pas à sortir de sa condition, la relation qui l’unit avec son amie fait exploser tous les codes, Béa étant elle-même confrontée à d’autres formes de misère en tant que veuve élevant seule sa fille, contrainte à toutes sortes de taches.


 

Imitation of life fait partie de ces films comme City lights de Chaplin qui vous laissent une empreinte indélébile. Des ténèbres de la vie y naissent des éclats de lumière pour entrevoir une issue à l’Humanité malgré toutes les violences qui la tirent sans cesse vers l’obscurité. Il ne s’agit ici de rien d’autre que d’éducation (la manière subtile dont les filles de Béa et de Delilah sont élevées ensemble), de dignité humaine et de respect (Stephen, l’amant de Béa, magnifiquement incarné par Warren Williams, place sa compréhension des autres avant son désir personnel) et d’intelligence, chacun essayant sans cesse de se dépasser, d’un point de vue moral, social et psychologique. La complexité des rapports qui se tissent entre chacun, hommes, femmes, personnes de couleur, blanches, métis, dresse un constat pour le moins saisissant de certains rapports de classes méconnus durant l’une des périodes les plus sombres de l’Histoire américaine. Chacun résiste ici en faisant bloc contre l’adversité avec un sens de la responsabilité hors du commun, et ce qui aurait pu sombrer dans le film noir le plus désespéré est retenu par un souci permanent de la cohésion familiale. 


 

Peola, la fille métis de Delilah, malgré l’oppression dont elle est victime parce que rejetée de la communauté blanche, fait preuve d’un extraordinaire dépassement de soi à travers l’amour qu’elle porte pour sa mère, luttant sans cesse pour ne pas la rejeter à son tour, ce qui est beaucoup plus émouvant que dans le film de Sirk. Malgré ses grandes qualités il faut bien dire que le film de 1959 est assez contestable de ce point de vue, d’autant plus que le rôle est joué par une actrice mexicaine. Fredi Washington qui incarne Peola dans le film de Stahl, on le sait peu, fut l’une des premières personnes de couleur à être reconnue pour son travail au cinéma et au théâtre dans les années 1920 et 1930.

 

Ce film devrait être montré dans toutes les écoles à l’heure où la division a repris le pas sur le collectif, dans une période où l’on rejette l’Histoire en ne la percevant qu’à l’aune des droits et des libertés si durement acquises.